lundi 30 septembre 2013

Là, je sèche !

Chaque année, à la rentrée, on doit dire le métier de ses parents.
Si certains s'en fichent comme de leur premier slip, d'autres attendent ça comme la roulette du dentiste.

La semaine dernière, personne ne s'est méfié quand notre maîtresse, Mme Hermange, nous a demandés à tous de sortir une feuille blanche et d'écrire un maximum de renseignements sur nous-même, y compris bien sûr le métier de nos parents.

Hector était à côté de moi. Il s'est littéralement recroquevillé sur lui-même. Lui qui est si grand d'habitude, on aurait dit un bernard l'hermite. Il serrait fort les dents (et son stylo!) et il a beaucoup abîmé le papier en gravant «chômeur» avec son stylo bille. Saad et moi, on avait trop de peine pour lui. Surtout Saad. Il était furieux contre l'école.
«Qu'est ce que ça peut bien leur faire, après tout? Qu'ils soient pompistes ou boulangers? On fera toujours les mêmes dictées!»

Il faut dire que Saad a une bonne raison de ne pas aimer parler du métier de ses parents. Dans leur pays, avant, les parents de Saad étaient musiciens. Ils jouaient dans une fanfare. Mais en arrivant chez nous, en France, ils ont dû changer. Maintenant, son papa est plombier. Il a monté son entreprise et c'est la maman de Saad qui s'en occupe.

Du coup, pour se venger de la maîtresse et aussi pour faire poiler le pauvre Hector qui en avait bien besoin, Saad a écrit «Cosmonaute de l'espace», à côté du nom de son papa, et «Ecuyère», à côté de celui de sa maman. Le tout, bien proprement.
On a bien rigolé.

Le problème, c'est qu'il ne s'est pas arrêté là...
Il a ensuite poussé le bouchon bien plus loin. Probablement inspiré par nos gloussements étouffés, le voilà pris d'une soudaine passion pour le sujet! Saad habitait désormais une cabane dans les arbres, au pays de Neverland. Il était chauve, s’appelait Charles-Xavier et se nourrissait exclusivement de tarentules séchées.

On s'est trop marrés!

Là où, direct, on a moins rigolé, c'est quand la maîtresse nous a tous demandé d'échanger nos copies et de prendre celle de notre voisin de droite.
Bien entendu, je me retrouve avec celle de Saad.....
Et là, elle explique: «Maintenant, chacun votre tour, vous allez raconter une journée typique de votre voisin, en utilisant tous les renseignements écrits sur sa feuille. Le but c'est, justement, de les faire deviner au reste de la classe. Vous allez voir, c'est très amusant.»
J'ai à peine le temps de me pencher vers Saad en marmonnant «C'est malin!», que j'entends la maîtresse qui enchaîne: «Et puisque, visiblement, le sujet t'inspire, on va commencer par toi, Timothée».

Argh! Je suis tétanisé. J'ai l'impression d'être embrassé par un boa constrictor! Bon, je ne sais trop ce que ça fait, en vrai, d'être câliné par un serpent, mais j'imagine bien que ça doit être quelque chose dans ce goût là. Cette sensation d'être coincé, de ne plus pouvoir respirer... D'avoir très chaud aussi....

Allez, puisqu'il faut mourir sur le champ, autant le faire avec un maximum de dignité. La tête haute, je me lève et je commence. Euh... lentement.
«Le soleil se lève à peine sur … l'île aux Pirates que je suis déjà debout. Je fais ma toilette, rapide. Pas besoin de me laver les cheveux, je n'en ai pas.»

A ce moment là, je regarde autour de moi. Les regards ahuris de certains dans la classe en disent long sur ceux qui écoutent vraiment. Le plus hallucinant, c'est Saad, imperturbable. Hector, au contraire, est plié en deux. Il n'ose même plus relever la tête.
Quant à Mme Hermange, elle est visiblement partagée.
D'un côté il y a la curiosité, tout bêtement. Et si elle me laissait continuer? Combien de temps pourrais-je tenir?
Bien sûr, de l'autre, il y a l'envie très raisonnable de m'interrompre sur le champ et me coller une punition.

Non mais, quelle humiliation, j'te jure!...

Au final...

«Ca suffit! Saad, vous serez gentil, vous me terminerez l'histoire qu'a commencée Timothée, mais par écrit. Je veux la copie, demain matin sur mon bureau. Et vous, Timothée, vous serez complice jusqu'au bout. Vous aiderez Saad à rendre un devoir impeccable. Vous vérifierez l'orthographe et la grammaire. A chaque faute que je trouverai, vous perdrez tous les 2 un demi-point sur votre moyenne générale.»

Hum...
Quel est le sombre abruti qui a dit, un jour, que les adultes manquaient d'imagination?


Et moralité: Hector n'a jamais autant ri de sa vie. Quand on pense que sa journée avait mal commencé! 












Previously dans Moi Timothée,




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1 commentaire:

Vincent a dit…

Mort de rire !! Je n'ai jamais eu de prof aussi vicieux. Mais peut-être que j'ai eu de la chance !:)